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Pediatres             

 

Source : Femme actuelle

Christian SPITZ, Pédiatre*                                                    

« Les coupables jouent les victimes qu'on a voulu séparer de leur enfant.»
            
« Vingt ans de pédiatrie en service hospitalier et en cabinet privé m'ont confronté à la maltraitance. Sept années sur les ondes à écouter des adolescents m'ont ouvert les yeux sur l'ampleur de ce phénomène. Ils avaient 11, 12, 13 ou 14 ans.
               
Certains commençaient par parler de douleurs au ventre, d'autres évoquaient une souffrance diffuse, une difficulté à vivre ou l'envie de mourir. Puis, des mots se posaient sur "cette chose" qui s'était passée. Mais leur histoire finissait souvent par la même phrase : «Je l'ai dit, mais on ne m'a pas cru ...».
             
Bien sûr, des voiles ont été levés, de plus en plus de pédophiles sont en prison. Mais il ne faut pas croire que seuls des prêtres et des instituteurs sont coupables de ces crimes. Certes, le pédo-criminel choisit souvent un métier où il s'assure un contact avec les enfants qu'il prétend aimer. Mais que d'avancées reste-t-il à accomplir pour reconnaître que l'inceste n'a aucune frontière géographique et sociale!
                  
Ils parviennent à être innocentés et à récupérer le droit de garde.
                    
Je constate aussi que plus le parent abuseur (le père 9 fois sur 10) occupe une situation socioprofessionnelle élevée et que plus l'enfant est jeune, moins la parole de celui-ci a de valeur.
              
Souvent respectés et socialement reconnus, toujours séducteur, les pervers pédo-criminels sont à eux seuls de véritables entreprises de démolition et de manipulation.
              
Même quand l'enfant présente des lésions anales, ils arrivent à être innocentés mais, en plus, à récupérer sa garde. Comment ? En brandissant le spectre de la fausse allégation, le mot magique avec lequel ils arrivent à convaincre qu'on ne cherche qu'à les séparer de leur enfant.
                  
Ce rôle d'innocents injustement accusés par des médecins "calomnieux et partisans", ils le jouent à merveille ! Détourner le problème vers le conflit parental ou les prétendus délires de la mère est une de leurs stratégies et elle porte ses fruits. Or, si les fausses allégations existent, elles sont extrêmement minoritaires, et quasi inexistantes chez les moins de 11 ou 12 ans.
                
Non, l'inceste n'est pas l'arme du divorce. Simplement, c'est souvent lors de la séparation de ses parents que l'enfant, délivré de la présence du parent agresseur, libère sa parole.
                
Nous sommes là pour la recueillir et, lorsque nous l'estimons crédible, alerter les autorités judiciaires. La validation scientifique de la parole de l'enfant permet de déterminer s'il est victime de manipulation ou s'il ment. Selon un protocole d'entretien, il faut l'écouter en tête-à-tête et analyser son comportement.
Dans de nombreux dossiers, l'enfant n'a jamais été entendu.
              
Or, seules des agressions sexuelles commises par un adulte peuvent conduire des enfants pré pubères à tenir certains propos, à adopter certains comportements et à présenter des symptômes que nous savons diagnostiquer.
                 
Dans de nombreux dossiers, il s'avère que l'enfant n'a jamais été entendu : seuls ses parents ont subi des expertises et nos signalements sont restés lettre morte. Alors, quand je me retrouve au banc des accusés, assailli de questions par des "pairs" qui me malmènent, je suis envahi par la révolte.
                   
Car si nous ne pouvons plus exercer notre métier, les enfants devront attendre d'être des adultes pour parler. Alors que nos lettres aux parlementaires (3 réponses sur 500) cessent de les laisser indifférents, que nos compétences cessent d'être méprisées, que notre travail cesse de se retourner contre nous, et les enfants seront protégés de leur bourreaux. »
                    
*Auteur de Questions d'adolescents, éd. Emile Jacob